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Spiritualité, esprit, ascèse, développement spirituel et réalisation spirituelle

Le développement spirituel est le processus plus ou moins discipliné (« ascétique » au sens originel du terme) qui conduit à la réalisation spirituelle, c’est-à-dire à la réalisation de l’esprit, esprit dont les qualités essentielles sont exposées dans la spiritualité (la tradition spirituelle) à laquelle on se réfère.

1) Qu’est-ce que la spiritualité?

La spiritualité est l’adhésion heureuse aux valeurs qui nous animent et nous procurent un sentiment de détachement, de liberté, de légèreté. La spiritualité doctrinale de la tradition va renforcer nos valeurs et les structurer en un tout cohérent.

2) Qu’est-ce que l’esprit?

L’esprit peut être envisagé de manière métaphysique, absolue, transcendante, inconditionnelle, au delà de toute valeur prescriptive, et de manière relative (relative à des valeurs éthiques à la résonance concrète).

Le yoga, comme nombre de traditions spirituelles, est tourné vers l’absolu inconditionné. Il repose sur un socle éthique, pour éviter que la quête d’absolu, de détachement, de déconditionnement, dérive vers l’irresponsabilité éthique absolue.

L’esprit est-il une entité éternelle mystérieuse séparée de la matière (mais qui la suscite)? L’esprit est-il un processus émergent de la matière? L’esprit est-il une fonction subtile d’unification qui englobe tout: la pensée, le corps et les relations au monde? Esprit et matière sont-ils indissociables?

Il n’est heureusement pas nécessaire de répondre à ces questions de manière définitive pour réaliser l’esprit du yoga, entendu comme discipline éthique. Le déconditionnement absolu n’est pas un objectif à atteindre, c’est un idéal régulateur, une direction exigeante à montrer à nos esprits humains parfois désorientés. L’amour absolu, la joie inconditionnelle, le bonheur parfait, ça parle à tout le monde mais c’est évidemment moins facile à réaliser que l’humilité devant l’absolu.

Disons donc, modestement que l’esprit est notre dimension intérieure qui dépasse les préoccupations purement matérielles, égocentrées et les illusions du monde. L’esprit peut évoluer positivement, vers davantage de conscience de son être propre, de présence lucide et détachée, détachée de tout sauf de l’éthique.

L’esprit, identifié à l’essentiel, est un flux de conscience qui peut se structurer, se discipliner par l’ouverture au monde (le « monde » du corps, des sensations et de la relation au monde) ou dans le recentrage exclusif sur lui-même dans sa pureté autosuffisante.

Se « recentrer sur l’essentiel » implique un minimum d’ »ascèse », d’éloignement de tout ce qui entrave l’accès à l’essentiel. .

3) Qu’est-ce que l’ascèse?

L’ascèse (askesis en grec ancien) n’avait pas du tout la connotion extrêmiste négative (mortificatoire, masochiste, punitive) de séparation brutale avec le monde et ses désirs, qu’il a aujourd’hui dans le langage courant. Le mot « ascèse » désignait, de manière neutre, tout exercice de transformation de soi (physique, mentale, philosophique, spirituelle) pratiqué avec discipline et assiduité. Le mot « ascète » (asketès en grec ancien), loin de connoter la chasteté et la privation cruelle de tous les plaisirs de la vie, désignait toute personne qui s’entraînait à perfectionner un « exercice » en vue d’atteindre un certain niveau de maîtrise et d’excellence.

On voit bien comment le mot « ascèse » au sens d’ »exercice neutre » a fini par s’écarter à ce point de son sens originel. Si on veut s’exercer à faire quoi que ce soit à fond, il faut effectivement faire l’effort de se tenir éloigné des distractions ordinaires. Cela demande de l’entraînement, un minimum d’émulation collective et la prise de conscience que la volonté têtue de ne renoncer à rien empêche d’approfondir quoi que ce soit.

Le mot « exercice » en français vient du latin « exercitium » , qui lui-même dérive du verbe « exercere », signifiant « mettre en pratique » , « entraîner » ou « tenir en haleine » . En latin, l’idée d’exercice était déjà liée à l’entraînement et à la pratique régulière, qu’elle soit physique ou autre.

En sanskrit, « tapas » est un terme central qui désigne l’ascèse, l’austérité volontaire et la discipline ardente visant à purifier le corps et l’esprit pour opérer une transformation intérieure. Le tapas est plus proche de l’askesis grecque que de l’ascèse au sens courant, si négativement connotée. L’ascète indien (« tapasvin » ) est celui qui pratique le tapas. Pour le mot « exercice » dans un sens de pratique concrète, on utilise parfois le mot sanskrit « abhyasa« , qui désigne la répétition, la pratique régulière ou l’entraînement dans le yoga et d’autres disciplines.

L’ascèse est donc, dans le contexte du yoga, un mot qu’il est utile de rétablir dans son sens originel pour désigner le contraire de la dispersion, de la distraction et de la confusion mentale. C’est en définitive la même chose que l’attention soutenue, la concentration, le resserrement de la conscience sur un objectif unique, mais bien-sûr avec une dimension essentielle de visée spirituelle et d’exigence de détachement intérieure.

La démarche ascétique, débarassée de ses connotations péjorative devient alors la pratique volontaire de la discipline et du (relatif) renoncement aux désirs et aux plaisirs qui nous éloignent de l’objectif visé, pour se recentrer sur le perfectionnement physique, moral et spirituel. L’entrainement sportif, ou l’étude approfondie d’un sujet donné, relèvent typiquement de la démarche ascétique.

L’incapacité à faire le moindre sacrifice pour progresser dans un domaine donné, est le contraire de la démarche ascétique.

Dans le contexte du yoga, cela se traduit par une discipline personnelle, un détachement des désirs superflus et une recherche d’une harmonie plus profonde, en accord avec des principes spirituels fondamentaux, qu’il convient de ne jamais perdre de vue

4) Qu’est-ce que le développement spirituel?

Le développement spirituel commence nécessairement par la fondation d’une base ascétique, laquelle se résume à la décision de laisser ses préoccupations habituelles de côté, pour se concentrer sur ses exercices de yoga, ou tout type d’exercice visant le développement spirituel, le développement corporel, ou les deux.

Une fois la base ascétique posée comme préalable nécessaire (consentement au dépassement de l’ego et éloignement volontaire de ses distractions mentales habituelles), il s’agit ensuite d’apprendre à vivre pleinement dans l’instant présent, puis à cultiver une authenticité et une croissance intérieure alignées avec ses valeurs profondes. Enfin, ce chemin mène à une connexion plus large avec les autres et avec le monde, enracinée dans cette pratique de dépassement de soi et de présence consciente.

5) Qu’est-ce que la réalisation spirituelle?

« Réaliser » l’esprit, ça veut dire le rendre réel, manifeste, perceptible, l’établir dans sa réalité à lui et dans notre réalité à nous, parvenir à sentir sa présence universelle englobante.

Réaliser l’esprit peut avoir une visée intérieure et/ou extërieure. L’esprit de la République française se réalise en incarnant et en propageant les qualités républicaines de liberté, égalité, fraternité, laïcité, souverainté populaire, etc.

L’esprit du yoga se réalise en incarnant et en manifestant les valeurs du yoga: union, transformation, maîtrise, effort, exercice, discipline, non-violence, déconditionnement, lucidité, etc.

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