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Esprit sportif, esprit du yoga, esprit ouvert

Le sport et le yoga sont-ils aussi différents qu’on veut bien le croire?

Est-il vrai que le sport est moins spirituel que le yoga?

L’amour universel, le désintéressement, la clairvoyance, le partage, l’unité profonde des êtres et des choses sont-il des concepts totalement étrangers aux sportifs?

1) Le sport, c’est quoi ?

1.1) Le sport compétitif

Le sport, au sens officiel, est une activité physique codifiée par des règles bien définies, avec des séances d’entraînement régulières, des épreuves compétitives programmées, une fédération qui encadre le bon fonctionnement des clubs et la tenue des événements sportifs associés.

Ça c’est le sport compétitif mais il y a aussi le sport de loisir.

1.2) Le sport de loisir

La marche nordique (je prends un exemple que je connais bien) est un sport qui dépend de la fédération française d’athlétisme mais qui est pratiquée en tant que loisir sans chercher à surpasser l’adversaire. Néanmoins, l’idée de performance et de confrontation (au moins à soi-même) y reste un minimum présente. La marche nordique est un loisir, disons, « engagé ». Ce qui est vrai pour la marche.nordique l’est aussi pour d’autres activités telles que la randonnée.

Aller «se promener» ne veut pas dire la même chose qu’aller «randonner». Les mots sont importants, ils signalent la présence ou l’absence d’un certain état d’esprit qui fait la différence.

L’esprit contemplatif qui prend son temps, le regard rêveur, n’a rien à voir avec l’esprit sportif concentré sur l’effort soutenu, le dépassement de soi. « No pain no gain » susurre le proverbe anglo-saxon, on n’a rien sans rien.

Cas hybride intéressant: le pèlerinage de Saint-Jacques de Compostelle.

S’il est si réputé c’est parce qu’il allie de manière originale la quête de l’exploit physique à caractère « sportif » et la quête spirituelle.

1.3) Ce qu’implique le mot « sport »

Quand on fait du sport, c’est toujours pour se bouger, pour se transcender. Même si on n’en a qu’à moitié conscience, on fait du sport pour gagner – ne serait-ce que gagner le droit de se reposer sur ses lauriers la conscience tranquille.

Le mot même «gagner» implique le combat, la résistance, la conquête par l’effort, la victoire sur soi et la victoire sur l’adversaire (sur l’adversité).

Les personnes qui font discrètement de la gym douce savent que quelque part le mot » gymnastique » surplombe des classements internationaux, des exploits hors normes, des records à battre, du grand spectacle propre à émerveiller les esprits.

Même les sportifs du dimanche sont motivés par l’idée de performance qui les accompagne en sourdine.

Il y a un mérite, socialement valorisé dans nos sociétés productivistes, à ne pas se contenter de déambuler dans le paysage comme un touriste mou, à sortir de sa zone de confort, à en baver un peu.

« En baver », c’est rendre honneur à l’idée que les êtres ne viennent pas au monde pour se remettre de leurs vies antérieures mais pour vivre à fond.

C’est comme si tous les vivant.e.s murmuraient à l’unisson:

« Nous avons mieux à faire que nous soumettre à la seule obligation de protéger notre existence. Ça ne nous suffit pas de gagner notre pain à la sueur de notre front, ça ne nous suffit pas de défendre les nôtres, nous voulons encore nous dépenser davantage. Pour la beauté du geste, pour le sport! »

« Nous sommes autre chose que des chevaux de manège. Même libres nous choisissons de ne pas chômer, nous voulons faire encore quelque chose, nous voulons nourrir la passion de la vie, nous serrons les poings, nous sortons la tête de l’oreiller, nous jetons l’impuissance dans feu de nos efforts.

« Nous aimons, nous faisons du sport, nous sommes des guerriers.ères venu.e.s sur Terre pour gagner! »

La liberté spirituelle guidant le peuple ?

«L’important dans la vie ce n’est point le triomphe, mais le combat; l’essentiel n’est pas d’avoir vaincu mais de s’être bien battu.» (Pierre de Coubertin, Discours aux Jeux olympiques de Londres, 1908)

1.4) Stoïcisme

On l’aura compris, le sport est indissociable d’une certaine violence faite sinon nécessairement aux autres, du moins à soi-même. Sans difficulté, sans effort, sans douleur surmontée stoïquement, pas de mérite et donc pas de sport. La pratique sportive qui se résume à un simple loisir sans aucun challenge perd sa racine martiale.

Le philosophe Sénèque a affirmé que les blessures de la vie peuvent être surmontées par l’effort, la volonté, un mental d’acier.

Ce que Sénèque a énoncé dans le contexte du deuil est comparable à un discours de coach sportif. C’est ainsi qu’il s’adresse à une femme qui a perdu son fils à la guerre:

«Vois combien le chagrin des animaux est violent, et pourtant combien il passe vite. (…) Combien il serait plus conforme à la distinction de ton caractère de mettre fin à ton chagrin, au lieu d’attendre qu’il cesse, et de ne pas laisser venir le moment où la douleur te quittera malgré toi. (Sénèque, Consolation à Marcia)

Ne dit-on pas, avant de se lancer dans tout type de challenge qu’«il va y avoir du sport»?

On peut commencer à se demander la différence avec quelqu’un qui dirait: « Préparez-vous, il va y a avoir du yoga ! »

Aller «se promener» n’a pas du tout le même sens que d’aller «randonner». Les mots sont importants, il signalent la présence ou l’absence d’un certain état d’esprit. L’esprit contemplatif n’a rien à voir avec l’esprit sportif. No pain no gain, on n’a rien sans rien. Si le pèlerinage de Saint-Jacques de Compostelle est aussi réputé c’est bien parce qu’il allie de manière remarquable exploit sportif et quête spirituelle.

1.3) Le sport n’est pas du travail

A l’exception des sportifs professionnels et des profs de sport, un sportif, une sportive, c’est une personne qui non seulement a le goût de l’effort mais qui est aussi à la recherche d’une certaine improductivité, une certaine gratuité dans l’effort.

Qu’importe le résultat, comme disait Pierre de Coubertin: «L’essentiel c’est de participer.»

On retrouve cette idée dans la Bhagavad Gita où elle en constitue le message central. Krishna enseigne à Arjuna à agir sans s’attacher aux fruits de l’action. Le nikshama karma est l’acte désintéressé accompli sans désir autre que celui de s’accomplir en tant qu’être vivant et de se conformer au dharma, au respect du bien commun. Tel est le principe central de la voie du karma yoga vers la libération intérieure dite «spirituelle».


Il ne vient l’idée à personne que jardiner toute la journée ou faire un grand ménage, c’est «faire du sport», tout simplement parce que le mot «sport» est codé culturellement et implique une certaine gratuité, un certain désintéressement. Certes nous faisons du sport pour garder la forme, pour être en bonne santé mais nous avons aussi besoin de pratiquer une activité joyeuse, enthousiasmante qui se distingue clairement des obligations de la vie quotidienne.

1.4) Le sport se pratique dans un esprit sportif

Pour résumer, les valeurs du sport célèbrent en premier lieu la performance individuelle et le jeu d’équipe (quand il y a équipe, sinon il peut y avoir juste de l’émulation collective) mais elles vont plus loin. En dehors de la combativité, de la pugnacité, de l’affirmation farouche de soi, du droit sacré à déployer ses efforts comme des rayons de soleil, des valeurs sportives plus «spirituelles» se dévoilent dès lors qu’on veut creuser davantage le concept d’«esprit sportif».

Ces valeurs à caractère spirituelle, nobles et altruistes, sont : la dignité dans la défaite, l’humilité dans la victoire, le respect de l’adversaire et, de manière générale, le respect inconditionnel de toute personne, quel que soit son niveau sportif. Chacun.e fait comme il ou elle peut avec les moyens qu’il ou elle a. Le simple fait d’exister est chose sacrée.

Comme on peut le constater, l’esprit sportif est nettement identifiable et désigne un ensemble de valeurs et d’attitudes qui sous-tendent et encadrent la pratique du sport, au-delà de la simple quête d’excellence, de record, de compétition, de victoire et de gloire.

On voit que le sport n’est peut-être pas aussi éloigné du yoga que ce que l’on croyait.
En dehors du fait que le yoga ne donne pas lieu à des rencontres compétitives, si le sport a une dimension morale et spirituelle, qu’est-ce qui rend donc le yoga si spécifique ?

2) Qu’est-ce que le yoga?

Un «vrai sportif» n’est à première vue pas très différent d’un «vrai» pratiquant de yoga.

La notion de progrès, de progression, d’amélioration, dans le sport comme dans le yoga, est une notion fondamentale.

2.1) Peut-on faire du yoga sans désirer progresser ?

Le yoga du Cachemire tel qu’il existe en France dans la lignée du maître indien du Xème siècle Abhinavagupta, de Jean Klein et d’Eric Baret, est le seul yoga qui remet en cause le désir de progrès, pourtant consubstantiel à notre culture et au bon sens le plus élémentaire. Pour cette École, le désir de progresser est tout bonnement incompatible avec l’état de yoga, c’est même l’obstacle le plus puissant à la réalisation spirituelle. Faire du yoga devient une activité paradoxale qui consiste à progresser vers le désintérêt pour toute forme de progrès tant extérieur qu’intérieur. Autant dire qu’on tient là l’expression la plus assumée que le «vrai» yoga se distingue radicalement de toute pratique sportive visant une quelconque amélioration ou transformation de quoi que ce soit.

Au fond nous n’avons ni besoin de «faire du sport» ni de «faire du yoga»

Progresser vers un but, aller mieux, dans ses pratiques physiques (yoga, marche, natation, etc.) comme dans sa vie, est une motivation centrale. On cherche à progresser sur le chemin spirituel, on cherche à se sentir mieux dans sa peau, on cherche à mieux se connecter à l’essentiel, on cherche à mieux s’accorder, physiquement, mentalement, spirituellement, avec sa pratique, on cherche à voir au delà des apparences, on cherche la lumière, l’évidence lumineuse de la présence heureuse, on veut mieux faire les postures, mieux faire les exercices respiratoires : bref, on s’efforce de développer une meilleure version de soi-même.

Les valeurs du sport condamnent généralement l’individualisme et célèbrent plutôt le fair-play, la convivialité, la solidarité (l’esprit d’équipe), le dépassement de soi, le développement personnel heureux préférés à l’écrasement impitoyable des concurrents.

Le sport, tout comme le yoga, repose sur une éthique personnelle et collective, un idéal pacifique, la volonté d’échanger la violence dérégulée des guerres meurtrières contre un épanouissement collectif partagé et réglementé.

On répète à l’envi que le yoga n’est pas un sport mais c’est oublier tous les sportifs, les coureurs, les marcheurs, les grimpeurs, les nageurs, les tireurs, les footballeurs du dimanche, les pongistes, les joueurs de tennis, les hockeyeurs, les karatékas, les judokas et autres cyclistes qui tous pratiquent d’abord pour le plaisir, pour le bien-être que ça leur procure, pour la beauté du geste, pour la camaraderie, pour l’amour de l’effort et de l’évacuation des toxines.

Le yoga est beaucoup plus proche du sport que ce qu’on croit généralement.
Les pratiquants de yoga eux aussi ont besoin de se dépenser, d’évacuer leurs soucis, de s’absorber dans des gestes valorisants qui vont les aider à surmonter leurs échecs.

La différence réside essentiellement dans le refus de la compétition, de l’affrontement, de la confrontation, même bienveillante.

Le yoga est une voie spirituelle dans la mesure où tout progrès personnel, tout dépassement de soi, toute victoire sur soi est hors sujet.

Il n’y a pas de fédération unique de yoga et pour cause, en Inde, son pays de naissance, les écoles de yoga n’ont jamais réussi à se fédérer.

En Inde d’où vient le yoga, on trouve 22 langues officielles et 200 langues maternelles. Aussi incroyable que cela puisse paraître pour nous français qui vivons dans un pays extrêmement centralisé où le concept même d’éducation régionale est perçu comme une régression, les régions sont très puissantes en Inde et plusieurs éducations régionales enseignent en première langue la langue régionale et en deuxième langue la langue dite nationale, l’hindi, langue qui est parlée par moins de la moitié des habitants.

Les postures de yoga sont instrumentalisées par le gouvernement indien actuel (ces lignes sont écrites en 2025)

, les formes de la vie politique et religieuses sont très diversifiées. Et pour se rendre compte de la situation indienne

mais par contre, dans les écoles de formation de yoga, milieu éminemment concurrentiel, la croyance qu’on appartient à une école meilleure que les autres, que tel style de yoga est meilleur que les autres est largement répandue.

A titre personnel, je ne suis fidèle à aucun style de yoga

Les postures de yoga sont codifiées mais sauf exception, le yoga dans la pratique n’est jamais compétitif, en tout cas pas en France.
Par contre et c’est bien dommage, il est fréquent dans les écoles de formation de yoga, de faire circuler la sotte idée chauvine que les autres écoles passent à côté de l’essentiel.

L’essentiel, selon les écoles, c’est l’humanité unie est pacifique, c’est la précision des placements posturaux, c’est la perception des énergies subtiles,

Selon les chapelles idéologiques, les autres écoles ne sont pas assez spirituelles,
Concernant la quête de performance, elle est souvent présente étant donné que la force, l’endurance, la souplesse et même la paix intérieure