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La discipline intérieure

1) Le mot « discipline » (Larousse)

a) Une discipline est une branche de la connaissance pouvant donner matière à un enseignement. Les maths sont une discipline qui s’enseigne et qui s’apprend.

b) Une discipline est un ensemble de règles de conduite. Le football est une discipline dont une des règles est qu’on n’a pas le droit de toucher le ballon avec les mains.

c) La discipline est l’aptitude à obéir à ces règles. On manque parfois de, discipline,il faut cultiver une volonté, une discipline intérieure pour être capable de respecter une discipline extérieure.

2) Le yoga comme discipline

Le yoga est une « discipline » dans tous les sens du termes. a) Le yoga est une branche traditionnelle (plus ou moins modernisée) de la connaissance portant sur le développement spirituel et la santé mentale et physique. b) Le yoga est un ensemble de règles de conduite privée (l’éthique, les niyamas) et relationnelle (la morale, les yamas) ainsi que des règles de placements respiratoires et posturaux. c) Le yoga est le renforcement de l’aptitude à obéir aux règles spécifiques du yoga en particulier et aux nécessités d’une vie la plus harmonieuse possible en général. Le yoga est un art de vivre, une discipline de vie.

3) L’homéostasie comme discipline intérieure naturelle de l’instinct de vivre

Le propre de l’instinct c’est qu’il ne s’apprend pas, on en est équipé de naissance. Par contre, on peut l’identifier, le renforcer ou le modérer et, contrairement à ce qu’on a longtemps cru, l’instinct peut lui aussi nous « enseigner » et nous « maîtriser », dans le bon sens du terme. L’instinct de conservation est un maître spirituel, une sorte de gourou intérieur qui nous accompagne toute notre vie. La respiration, fidèle compagne, nous apaise autant que nous avons la possibilité réciproque de l’apaiser nous aussi.

Il y a une continuité entre ce que le corps sait faire instinctivement, typiquement l’homéostasie (la régulation des constantes physiologiques) et ce que l’on peut apprendre à faire: la régulation émotionnelle, la conscience de soi dans toutes ses dimensions (biologique, posturale, philosophique, sociologique, etc.)

C’est une grande leçon de sagesse que d’apprendre à considérer et ressentir dans le corps la présence bienveillante de l’homéostasie comme la discipline innée, naturelle de la respiration, de la température, de la glycémie, du rythme cardiaque, de l’acidité du sang, de l’équilibre hormonal, etc.

L’homéostasie est une intelligence biologique silencieuse et constante qui veille sur nous.

Le yoga, par la respiration, la posture et l’attention, agit directement sur cette autorégulation. Il ne crée pas la régulation, il la révèle et la renforce.

Dans le domaine biologique, la discipline physiologique est l’ensemble des mécanismes internes qui régulent les constantes physiologiques et s’adaptent à l’effort.

2) Ce qu’on sait faire avant et juste après la naissance

Le cœur bat dès la 5e semaine de gestation, mais à la naissance, il change de mode de fonctionnement: la circulation pulmonaire est activée, le canal artériel se ferme.

À la naissance, le bébé est discipliné par sa programmation physiologique. Dès qu’il commence à respirer pour la première fois, le liquide amniotique est évacué des poumons, l’air peut entrer, l’oxygène se diffuse dans le sang, c’est le début de l’autonomie physiologique.

La respiration active les chémorécepteurs, les structures nerveuses capables de capter les modifications chimiques du sang (CO₂, O₂, pH) et qui vont réguler la respiration. La première rdspiration déclenche l’oxygénation du cerveau, la mise en route du système nerveux autonome.

Les chémorécepteurs sont dormants in utero car la respiration est assurée par le placenta.

La première respiration est déclenchée par une hypoxie transitoire.

Pendant l’effort, les chémorécepteurs sont comme des régulateurs de climatisation intelligente. Dès qu’ils détextent que le taux de CO2 et l’acidité (ions H+augmente dans le sang, ils accèlèrent la ventilation pour rétablir l’équilibre.

À la naissance, le clampage du cordon ombilical stoppe l’apport d’O₂ et de nutriments, la pression artérielle augmente brutalement. L’expulsion du liquide amniotique des poumons, lors de la première inspiration, fait baisser la pression intrathoracique.

La circulation pulmonaire se met en route: la pression du cœur droit chute, celle du cœur gauche augmente. Ce changement de pression active les barorécepteurs carotidiens et aortiques, qui deviennent fonctionnels dès cette phase.

Les chémorécepteurs sont comme les détecteurs de CO₂ qui s’allument quand la première bouffée d’air arrive, tandis que les barorécepteurs sont déjà en veille, prêts à réagir dès que la tuyauterie change de pression avec le lancement du circuit indépendant.

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Notre système éducatif est fondé sur l’idée que les êtres humains, de base, sont totalement dépourvus de boussole intérieure, d’autorité naturelle et de discipline innée.

On voit les bébés comme de pauvres choses démunis qui ont tout à apprendre et pas comme des univers autonomes.

L’autorité et la discipline sont conçues comme des choses exclusivement extérieures que l’éducation va introduire en les êtres humains en corrigeant leur ignorance naturelle des années durant.

Si nous, sommes souvent si passifs vis-à-vis de la discipline, cela vient en grande partie du fonctionnement du système scolaire français, qui repose depuis longtemps sur un modèle autoritaire et transmissif.

Historiquement, l’école républicaine française s’est construite au XIXème siècle avec une mission claire : former des citoyens obéissants, capables d’entrer dans l’ordre social. L’autorité de l’instituteur y tenait une place centrale. C’est Jules Ferry qui pose les bases de cette école obligatoire, laïque et gratuite, mais aussi hiérarchique et normalisante. L’élève y apprend à « écouter », à « suivre », à « reproduire », rarement à expérimenter, encore moins à s’auto-organiser.

Ce modèle d’apprentissage par répétition, par correction, par soumission au savoir du maître, crée un conditionnement : pour apprendre, il faut un cadre, une note, une figure d’autorité. D’où la difficulté à envisager une pratique libre et organique, comme celle du yoga, qui repose sur une base spirituelle.

La développement spirituel peut être définie comme l’acquisition de la capacité à replacer l’autorité intérieure et la discipline naturelle au premier plan.

Des penseurs comme Ivan Illich dans « Une société sans école », ont critiqué cette logique en montrant que l’école formate la dépendance à une autorité extérieure. Pour eux, l’enfant apprend à attendre qu’on lui dise quoi faire, et cela casse sa curiosité naturelle.

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Philippe Meirieu, figure de la pédagogie critique en France, a beaucoup travaillé sur la tension entre autorité et autonomie. Il montre que l’école, au lieu de former des sujets capables d’initiative, forme souvent des sujets qui obéissent.

Moshe Feldenkrais a développé une méthode basée sur l’exploration du mouvement naturel, avec l’idée que le corps, organique, physiologique, est par nature discipliné. Le corps sait en se mettant à son écoute, en devenant son élève, nous allons spontanément trouver la discipline qui nous convient. Fendelkrais parlait souvent de « rééducation de soi par soi-même ».

Desikachar, le fils de Krishnamacharya, a développé une approche individualisée, profondément centrée sur le souffle et l’adaptation au corps réel de la personne, et non à une posture idéale.

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Le yoga favorise une dominance parasympathique (via la respiration, la concentration, la posture), ce qui diminue l’inflammation générale, abaisse la fréquence cardiaque et améliore la digestion. C’est une forme de discipline intérieure personnelle qui vient assister la discipline physiologique automatique dont nous sommes équipés dès la naissance: on apprend à désactiver le stress et à revenir à un état de base calme et centré..

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