La respiration yogique sur trois étages est un exercice à pratiquer quand on y pense dans la journée, pas besoin nécessairement de dérouler le tapis.
On peut pratiquer assis, debout, couché ou les trois à la suite si ça nous chante. Cet exercice ne prend que quelques minutes mais il est puissant pour faire tomber le stress, pour tirer le rideau sur l’environnement anxiogène, pour se recentrer sur la sérénité respiratoire.
Pour mémoire, «faire du yoga» c’est ça, c’est rester connecté à sa sérénité respiratoire (articulaire et musculaire) en toutes circonstances; la sérénité respiratoire étant elle-même connectée à la sérénité, éternelle, imperturbable, du fond de l’univers.
S’il y a une volonté à afficher clairement au moment de passer en mode yoga, c’est bien celle d’échanger, durant ne serait-ce qu’un tout petit moment les grandes questions existentielles insolubles contre un acte volontaire davantage dans nos cordes, à savoir : respirer avec précision, conscience et souci du détail en vue de célébrer les noces d’une respiration calmée et d’un corps en paix.
Premier détail qui a son importance : la respiration yogique complète se pratique en respirant exclusivement par le nez. Souffler par la bouche, c’est un exercice à faire avant, pour évacuer le trop plein émotionnel.
On n’hésitera jamais, dès qu’on y pense, à alterner la conscience respirante du côté droit et du côté gauche du corps (et pas seulement au niveau des narines), ce afin d’ajuster l’équilibre intérieur, de parfaire la symétrie entre soi et soi.
Ce n’est pas grave si, au premier abord, l’exercice est ressenti comme artificiel (tout est question d’habitude), persévérez ! Respirer en conscience a le pouvoir d’apaiser les natures inquiètes et angoissées.
Concrètement, on fait de la «respiration yogique complète» quand on respire par le nez en observant la mobilité sucessivement:
1) de l’abdomen
2) des côtes
3) des épaules.
On pourra ensuite, de notre nouveau point de vue panoramique, observer sereinement les trois étages respiratoires opérer en synergie.
1) Pour l’étage abdominal, on parlera de « respiration abdominale », de « respiration diaphragmatique » ou même de « respiration abdominale diaphragmatique ».
2) Pour l’étage costal, on parlera de « respiration costale » ou « respiration thoracique ».
3) Pour l’étage claviculaire, on parlera de « respiration claviculaire » ou mieux encore de « respiration claviculaire scapulaire » pour souligner le rôle non négligeable des omoplates.
Il faut bien avoir en tête qu’il ne s’agit surtout pas d’échanger une fois pour toutes la respiration yogique complète contre notre manière habituelle de respirer. Respirer en conscience, c’est juste une technique bonne à remplacer de temps en temps l’oubli habituel, heureux et insouciant, de nos processus internes, tant psychologiques qu’anatomiques ou physiologiques.

Le diaphragme se détend à l’expir et remonte.
On ne peut et on ne doit pas être conscient de tout tout le temps, une véritable « pleine conscience » permanente serait beaucoup trop coûteuse en énergie. Se mettre en congé, n’y être pour personne, envoyer le monde se faire voir, tout déléguer, cesser de croire en soi-même comme si un seul être avait jamais fait la différence, c’est une déresponsabilisation périodique nécessaire.
Savoir disparaître en plein jour, voilà le secret aveuglant des dieux.
L’oubli est un art divin dont il faut apprécier la portée, n’hésitons pas à alterner entre pleine conscience et pleine inconscience.
Après une pause heureuse de respiration vécue comme un acte sacré, il n’est que trop recommandé ensuite de la laisser vivre sa vie, de passer à autre chose, de se laisser couler sans remords dans l’eau paisible des gestes de tous les jours.
Trop de yoga tue le yoga, trop de sérénité attire l’ennui.

1) La respiration abdominale diaphragmatique
Qu’on respire en observant son ventre ou ses côtes, dans les deux cas l’action du diaphragme est primordiale. C’est pour ça qu’on peut parler de «respiration abdominale diaphragmatique»: pour bien signifier que si le ventre gonfle, c’est parce que le diaphragme descend et que si le ventre dégonfle, c’est parce que le diaphragme monte.

On peut conscientiser clairement les mouvements de gonflage et de dégonflage du ventre en mettant une main sur le nombril et une main sur le sternum.
Mettre les mains sur le corps qui respire n’est pas un acte anodin. Les mains sont depuis la nuit des temps nos plus fidèles alliées: habiles, expérimentées, sages, calmes, généreuses, bienveillantes, guérisseuses, aimantes, attentives, empathiques. Avec les mains vient l’amour, l’amitié, la lumière, la compréhension profonde, la grande sérénité qui constitue l’essence profonde du yoga.
1.1) Abdomen – inspir

Le diaphragme est un muscle qui a un mouvement concentrique unique dans le corps, ses fibres musculaires sont radiales et quand celles-ci se contractent, accrochées aux côtes comme elle sont, sur tout le tour de la cage thoracique, elles font équipe pour tirer le centre tendineux du diaphragme (appelé « centre phrénique »)vers le bas, ce qui a pour effet de faire le vide dans le thorax et d’aspirer l’air dans les poumons.
L’image la plus parlante pour visualiser ce processus est celle d’une seringue tenue verticalement aiguille en haut dont on tire le piston vers le bas.
Quand j’inspire, le diaphragme descend et pousse sur les viscères: le ventre se gonfle passivement. Je me garde de le surgonfler, au contraire je le contiens légèrement et je m’applique à mettre du volume heureux dans tout mon espace abdominal. J’engage un peu le périnée, à l’inspir et je l’engage davantage encore plus à l’expir.
On parle souvent indifféremment de « périnée », de « plancher pelvien » ou de « diaphragme pelvien ». Le plus simple, pédagogiquement parlant, c’est de garder le terme « diaphragme » pour le seul diaphragme thoracique et le terme plancher pelvien (plancher pelvien= diaphragme pelvien) pour le hamac musculaire attachés devant au pubis, sur les côtés aux ischions et derrière au coccyx. Retenez que le périnée n’est que la partie centrale du plancher pelvien.
En inspirant, je ne me focalise pas sur l’avant de mon abdomen, j’observe aussi mes bords de taille qui s’étirent et s’allongent, j’observe dans le bas de mon dos les zones gauche et droite de ma colonne lombaire qui jouent au jeu de qui sera la plus apaisée.
1.2) Abdomen – expir
Quand j’expire, mon diaphragme se détend vers le haut en forme de dôme, comme un parachute. La conscience abdominale est prioritaire dans l’expiration, l’énergie est voulue montante à partir des muscles du plancher pelvien qui se contractent dans le fond du petit bassin, comme si on les ventousait vers le haut. L’énergie monte également à partir des muscles abdominaux transverses que l’on conscientise en visualisant son nombril comme absorbé transversalement par les lombaires, encore avec une intention montante.
Un (léger) effet « taille de guêpe » est souhaitée.
On a affaire ici à un embryon des exercices musculaires énergétiques mula bandha et uddiyana bandha que l’on peut greffer sur la respiration yogique complète si on le souhaite.
2) La respiration costale
Concentrons-nous maintenant sur les muscles intercostaux.
2.1) Côtes – inspir
Les muscles intercostaux externes participent à l’inspiration en élargissant et en soulevant la cage thoracique. On peut s’amuser à faire monter la cage thoracique à l’inspir deux ou trois fois le plus haut possible.
À l’inspir, l’énergie ressentie est à la fois ascendante (si on se concentre sur les côtes qui s’élargissent, s’espacent et montent) et descendante (si on se concentre sur le centre tendineux du diaphragme tiré vers le bas).
Dans les textes classiques qui traitent de l’énergie de l’inspiration, on retrouve cette ambivalence qu’il est important d’identifier : quand j’inspire, l’énergie est à la fois montante et descendante selon que j’observe le mouvement soit des côtes soit du diaphragme.
Sur le plan subtil (non musculaire) l’indécision sur le sens de l’énergie dépend du type d’énergie observée (entrante, sortante, orientée, concentrée, irradiante) et le point de vue de référence.
2.2) Côtes – expir
Muscles intercostaux externes = inspir normal ou appuyé
Muscles intercostaux internes = expir appuyé
Quand j’expire, les côtes redescendent et le diaphragme remonte. Je peux m’amuser à amplifier quelques fois mes expirations en engageant cette fois-ci non plus mes muscles intercostaux externes mais mes muscles intercostaux internes qui me permettent de vider un maximum d’air de mes poumons. Je peux visualiser mon diaphragme qui remonte en dôme pour aider à trouver la plus grande amplitude respiratoire possible. Sans forcer évidemment, mais non sans la volonté appuyée d’aller plus loin que la simple respiration naturelle. La respiration yogique complète est un exercice de participation active, pas juste une simple contemplation distante.
Une image très parlante consiste à visualiser la cage thoracique comme un tee-shirt qui a rétréci au lavage à l’inspir et qu’on tire consciencieusement de tous les côtés vers le bas à l’expir (avec modération) pour essayer de lui faire retrouver sa longueur d’origine.
3) La respiration claviculaire et scapulaire
Pour conscientiser et amplifier les mouvements des clavicules et des omoplates (omoplate = « scapula » d’où le terme « scapulaire » ) on peut faire quelques cycles respiratoires en tirant les coudes sur les côtés, bras pliés, tantôt vers l’arrière tantôt vers l’avant.
Dans un second temps, on peut tendre les bras à l’horizontal sur les côtés et 1) connecter mentalement les pouces et les index aux clavicules pour effectuer quelques respirations attentives aux clavicules et aux étirements des muscles pectoraux et ensuite 2) connecter mentalement auriculaires et omoplates pour amplifier le mouvement d’écartement et de rapprochement des omoplates.
3.1) Épaules – inspir
3.1.1) L’étoile à 4 branches des épaules
Visualisons une étoile à 4 branches au niveau de ce, qu’on appelle dans le jargon la « ceinture scapulaire » (nos « épaules » en langage clair). Imaginez deux branches qui partent sur les côtés en entraînant les têtes d’humérus, une autre branche qui part vers l’avant en entraînant le sternum et une quatrième branche qui part vers l’arrière en suivant horizontalement l’axe antéroposterieur pour percer dans le dos l’espace interscapulaire (vers T5).
Histoire de bien amplifier les sensations respiratoires dans les épaules, on peut se concentrer successivement sur les 4 branches de l’étoile. Il est particulièrement difficile de sentir les épaules gonfler dans les 4 directions en même temps mais on ne perd pas son temps à essayer d’y arriver de son mieux.
3.1.2) La connexion tête-nuque-clavicules-sternum
Si je place mes doigts derrière les oreilles près des cervicales, en inspirant je peux sentir les insertions des muscles sterno-cléido-mastoïdiens qui se durcissent (sterno = sternum, cléido = clavicules, mastoïdien = processus mastoïdes des os temporaux derrière les oreilles). Quand j’inspire je tire le sternum et les clavicules vers le haut avec ces muscles qui sont donc attachés aux deux côtés du haut de ma nuque.

Avec mes scalènes, muscles attachés aux vertèbres cervicales C2 à C7, j’élève mes deux premières paires de côtes.

On est bien d’accord, on respire avec « les épaules au sens large » . Les « épaules au sens strict » se résument en théorie aux trois os articulés omoplates+humérus+clavicules. Le sens large comprend en plus le sternum et la nuque. On ne respire ainsi pas seulement avec les seules « épaules » au sens anatomique mais avec toute la région des épaules (nuque et tête incluses).
3.2) Épaules – expir
Rien de compliqué concernant l’expir: les épaules descendent, les muscles du cou se relâchent, les clavicules descendent, les hautes côtes (les basses aussi) descendent.
Grand moment de détente dans les épaules et les trapèzes supérieurs que celui de l’expiration longue et consciente !
Résumé
La respiration yogique complète, c’est un moment dans la journée pour inspecter chacun des trois niveaux de la respiration, côté gauche et côté droit du corps, afin de vérifier que tout va bien, que la sérénité intérieure profonde est toujours là, fidèle en toile de fond, que l’environnement vivant nous touche et nous impacte (c’est normal, nous sommes des êtres corporels sensibles, pas de purs esprits détachés de tout) mais sans nous causer (trop) de dommages collatéraux.
(Plusieurs illustrations de cet article sont tirés de l’ouvrage de référence « Respiration – Anatomie – Geste respiratoire » de Blandine Calais-Germain)