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La spiritualité de la République française

En France, même si la religion et l’État sont constitutionnellement séparés, il existe une « religion civile » et une « spiritualité laïque ».

La République française, tout en étant laïque, produit des rites civils, des cérémonies émouvantes, des symboles forts, des dates connues de tous, des commémorations anniversaires, qui ont une fonction similaire à celle des rituels religieux: le 14 juillet, la Marseillaise, les commémorations du 11 novembre, le Panthéon, tout cela crée une forme de transcendance civique et permet à chaque Français de vivre sa citoyenneté de manière « spirituelle », en se connectant à l’Esprit de la France, à la poésie de sa langue cérémonielle, à ses valeurs, à ses émotions et à sentiments fondateurs. Résister à l’oppression, repousser la barbarie et l’arbitraire, partager les principes fondamentaux de la République française, avoir des notions d’Histoire de France, sentir la France comme une famille soudée, constituée de tous les « enfants de la Patrie », voilà ce qui structure spirituellement la France.

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L’autorité spirituelle française

Des institutions en France protègent les principes fondamentaux et la conformité des lois avec eux. Quels sont les principes fondamentaux de la République française?

Liberté, égalité, fraternité, laïcité, souveraineté populaire, (et la parlementarisme, sa déclinaison concrète, laissée de côté dans les textes constitutionnels, suite à l’instabilité politique de la IIIème République), démocratie représentative, justice, indivisibilité de la République, solidarité, dignité humaine.

Des institutions font office d’autorité spirituelle en France, ce sont le Conseil constitutionnel et le Conseil d’État, mais pas seulement.

Le Comité consultatif national d’éthique rend des avis sur les questions bioéthiques, souvent en lien avec des dilemmes moraux contemporains, comme la fin de vie, la procréation ou les avancées scientifiques. Même s’il n’a pas de pouvoir décisionnel, ses avis ont un fort impact dans le débat public et les décisions législatives.

L’Académie française défend une certaine vision de la langue et, par extension, des valeurs culturelles. Son rôle est symbolique mais elle incarne un héritage intellectuel et moral.

Le Défenseur des droits veille au respect des droits et libertés et intervient avec une certaine autorité morale, surtout dans les cas de discrimination ou d’injustice.

Autorités morales? Autorités spirituelles? Difficile de les distinguer dans la vie de tous les jours: on est ce qu’on fait et on fait des choses en conformité avec la personne qu’on est. Comment dissocier l’être et le faire?

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L’Inde évoque la quête spirituelle d’unité, le détachement du monde matériel, la méditation, la sagesse millénaire. La tradition spirituelle indienne cherche à dépasser l’ego individuel, le moi conditionné, pour réaliser l’unité avec le divin, le Soi universel, le Brahman.

En France, en revanche, l’imaginaire collectif renvoie à autre chose. La france cherche l’unité dans la cohésion nationale dans une tension permanente entre revendications partisanes, droit à la singularité et quête d’unité sociale.

La France est vue comme le pays des droits de l’homme, de la gastronomie, de la mode et des revendications sociales. Les traditions occidentales tendent à approfondir le sujet, l’individualité, voire à explorer son aliénation.

La culture française valorise fortement des traits comme l’individualisme, l’indépendance d’esprit, et la fierté nationale. Le moi ou l’ego est célébré à travers des figures comme le penseur libre, l’artiste, l’intellectuel, ou même le résistant qui lutte pour sa vision du monde. Cette idée de l’égo se nourrit notamment d’une longue tradition philosophique, où des penseurs comme Descartes ont mis l’accent sur la subjectivité et le raisonnement individuel comme fondement de la vérité et de l’existence.

Historiquement, la France est associée à la pensée critique, à la raison, à l’esprit des Lumières, à la révolution, et aussi à une certaine idée de la liberté individuelle et de l’intérêt général. L’idéal français c’est le droit d’être soi-même tout en participant à la construction du bien commun.Des egos fraternels.

En France, ce n’est pas la libération spirituelle qui est mise au premier plan mais l’émancipation individuelle, sociale, politique, existentielle.

La société française, surtout depuis la Révolution et avec la tradition laïque, a souvent développé une certaine méfiance institutionnelle ou culturelle vis-à-vis de ce qui touche à la spiritualité au sens religieux ou mystique.

Ce n’est pas que les individus ne sont pas spirituels, mais que la sphère publique tend à privilégier la raison, la science, et le discours critique. Du coup, la spiritualité, quand elle existe, est souvent vécue de manière intime, intérieure, voire un peu cachée, comme si elle n’avait pas tout à fait sa place dans le débat public.

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Spirituel, adj: qui émane d’un principe supérieur et libère.

spiritualité, nom: ensemble d’idées et de pratiques libératrices qui relient une ou plusieurs personnes à un principe supérieur.

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Chaque citoyen français est relié à la France qui est un territoire mais aussi un principe spirituel inspirant la culture et la vie française.

Chaque pratiquant de yoga est relié au yoga qui est une pratique mais aussi un principe spirituel unifiant ses textes fondateurs, les figures historiques et la pratique.

La spiritualité, prise dans son sens large, peut être sociale, philosophique, juridique, laïque, athée, morale, intérieure ou extérieure. Il y a spiritualité dès qu’il y a reconnaissance d’un lien profond entre une personne et une autorité. Un lien affectif, par exemple, est spirituel s’il détermine toute la vie intérieure de la personne liée.

La spiritualité, c’est ce qui donne du sens et du style à la vie, en lui proposant un ensemble de choses à faire et à penser qui structurent et nourrissent la conscience: des références culturelles, des idées, des objectifs, des valeurs, des techniques, des repères qui balisent l’existence.

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Dans l’esprit républicain français, le sens de la vie est profondément lié à l’idée d’émancipation individuelle par la raison, l’éducation et la participation à la vie collective. La République française s’est construite sur des fondements philosophiques issus des Lumières, où l’homme n’est pas soumis à une autorité divine ou arbitraire, mais reconnu comme un citoyen libre, égal aux autres, capable de penser par lui-même et de contribuer à l’intérêt général. Vivre dans la République, c’est chercher à s’accomplir tout en œuvrant pour le bien commun.

Le sens de la vie, dans ce cadre, n’est pas imposé d’en haut: il se construit dans le cadre des libertés garanties par la France, avec la responsabilité de vivre ensemble selon les principes de laïcité, de solidarité et de justice. La spiritualité française, c’est une vision à la fois individualiste et très collective.

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Il en est de même pour la spiritualité du yoga, à la différence près que le yoga n’a jamais eu vocation à organiser la vie en société. Certes le yoga a une base morale (non-violence, sincérité, modèration du besoin d’appropriation) et éthique (discipline intérieure) mais les textes du yoga ne traitent jamais de gouvernance politique, uniquement de gouvernance intérieure. Ce n’est que par extrapolation qu’on peut adapter le yoga à la politique.

Voilà une grande différence avec le taoïsme par exemple. Dans le Tao te king, Lao-Tseu soutient que le meilleur gouvernant est celui dont le peuple ne remarque même pas la présence (doctrine du leadership invisible). Il rejette l’autoritarisme et la législation excessive, prônant la retenue, la simplicité et l’humilité du souverain. Il met aussi en garde contre les effets pervers de l’ambition, du savoir imposé et du désir de contrôle.

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Enseigner le yoga en tant que pratique corporelle ET spirituelle sur le territoire français n’est pas chose aisée. La spiritualité, par le simple fait de se manifester hors de la sphère privée, y est instinctivement perçue comme une tentative de prosélytisme, comme un risque sérieux d’atteinte à la neutralité de l’espace public et, encore plus grave, comme un complot visant la loi de 1905 sur la séparation des Églises et de l’État.

Cette défiance intériorisée est produite par l’Éducation nationale qui n’apprend pas aux jeunes à penser la rationalité comme une modalité de la spiritualité, mais à penser la spiritualité comme une déviance de la raison, une déraison en somme, une sorte d’hallucination collective

L’éducation nationale ne se pense pas elle-même comme un courant spirituel, par exemple elle ne considère pas l’éducation civique comme de l’enseignement spirituel laïque, ce qu’elle est pourtant.

On remarquera que l’Éducation nationale est aussi mal à l’aise pour exposer le pluralisme politique, que le pluralisme religieux.

La conception populaire de la spiritualité en a fait les frais. La spiritualité est imaginée comme n’étant ni religieuse ni politique, alors qu’elle devrait être présentée comme la source du religieux, du politique et même de la philosophie.

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Classement des appartenances religieuses en France (INSEE 2023)

Sans religion: 51 %

Chrétiens (total 37%), dont catholiques: 29%, protestants: 2%, orthodoxes: 6%

Musulmans: 10%

Juifs: 1%

Bouddhistes: 0,5%

Hindouistes: 0,05%

Jainaïstes et autres très petites minorités (sikhs, etc.): moins de 0,05%

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Classement des appartenances politiques en France (Ifop 2023)

Centre (centre‑gauche+ centre+ centre‑droite): 36 %

Droite modérée: 22 %

Gauche modérée: 22 %

Extrême droite: 14 %

Extrême gauche: 6 %

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Plus de 50% des français se disent « sans religion ». 36% des français se disent centristes. Est-ce que ça veut dire qu’ils sont « sans spiritualité »? Bien-sûr que non. Être français, c’est d’abord une identification identitaire spirituelle.

On peut discuter de la nature de l’esprit français, selon ses références culturelles (gauloises, latines, grecques, monarchiques, républicaines, religieuses, anticléricales, politiques, etc.), ce dont on ne peut pas douter, au delà de ses contradictions internes, c’est que l’esprit français existe.

Tout ce qui a un esprit, a des valeurs fixes, des constantes culturelles, tout ce qui a un esprit est de facto spirituel. La devise de la France « liberté, égalité, fraternité » est un modèle de déclaration spirituelle qui renvoie non seulement à un paysage extérieur mais aussi à un paysage intérieur.

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L’esprit du yoga contredit-il d’une manière ou d’une autre l’esprit de la France, et précisément celui de la spiritualité républicaine, c’est ce que nous allons voir.

Être animé par l’esprit républicain français, c’est s’employer à faire vivre ses valeurs fondatrices: liberté, égalité, fraternité dans un contexte marqué par la transition écologique vers une économie durable, les innovations technologiques, les tensions sociales et identitaires, les enjeux migratoires, l’évolution des modes de consommation.

La spiritualité française c’est de maintenir un modèle démocratique solide, de vouloir la cohésion nationale, de protéger les droits de chacun à la liberté de penser, s’exprimer, travailler, s’associer. La spiritualité républicaine se concentre sur la justice sociale, la sécurité, la souveraineté économique et technologique.

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Faire spirituellement du yoga, c’est apprendre à connaître tout ce qui nous attache spirituellement par des liens invisibles non seulement à la nature en général mais aussi à la nature humaine et donc au monde social. Faire spirituellement du yoga c’est savoir vour les liens spirituels invisibles qui nous unissent à notre corps, à notre personnalité, à notre ou nos communautés (on peut appartenir à plusieurs communautés), à l’idée qu’on a de la France et de ce que ça implique d’être citoyen français, à l’idée qu’on a du monde et de ce que ça implique d’être citoyen du monde.

Faire spirituellement du yoga en tant que français, c’est identifier tout ce que la France porte de valeurs culturelles et spirituelles intériorisées dans chaque Français et faire ce que fait toute personne « spirituelle » douée d’esprit critique: apprendre à vivre, au fond de soi, indépendamment de tout attachement identitaire quel qu’il soit, exercer jusqu’au bout sa liberté de conscience, en étant capable de libérer sa conscience de toutes ses attaches identitaires grâce à sa souplesse mentale pour repartir sur de nouvelles bases en cas de besoin.

La quête spirituelle d’une personne ou d’un pays est la même: se réaliser spirituellement en faisant passer l’intérêt général avant sa volonté propre. Quant à l’exercice de sa volonté propre (comme si chaque personne était une sorte de « collectivité territoriale », les règles éthiques qu’on choisit de suivre ne doivent pas aller à l’encontre des lois de l’État Central.

La France, dans l’Union Européenne, est à la fois souveraine et dépendante. Elle choisit de partager sa souveraineté avec les autres pays de l’UE,elle conserve ses attributs fondamentaux, sa souveraineté légissa

Constitution, sa force armée, sa diplomatie mais elle accepte de déléguer certaines compétences à l’UE. Par exemple, les politiques commerciales, la concurrence, l’agriculture, ou encore la monnaie (avec l’euro pour les pays de la zone euro) sont gérées en commun.

Le Français en France est émancipé de toute domination monarchique, de toute obligation religieuse, de toute obligation héréditaire. Il peut participer de plein droit à la vie politique.

La France, selon les termes de l’article premier de la Constitution de 1958 de la Cinquième République, est une « république indivisible, laïque, démocratique et sociale. »

1) La France est indivisible. Cela veut dire que le pouvoir législatifest centralisé au niveau de l’État souverain. Les collectivités territoriales (communes, départements, régions) peuvent édicter des règles à leur échelle sans sortir du cadre national.

Historiquement, ce terme répond à plusieurs expériences de division ou de rivalité interne, surtout à l’époque de l’Ancien Régime. Sous la monarchie, la France était loin d’être unifiée sur le plan juridique et administratif. Il y avait des provinces avec leurs propres coutumes, des privilèges locaux, des parlements régionaux… même des langues différentes. Donc, même si le roi était le souverain, le royaume était profondément « divisé » dans son fonctionnement.