cyrilyoga.fr

Sommes-nous dans le Kali Yuga?

L’idée de Kali Yuga apparaît dans les textes sacrés indiens (Mahabharata, Puranas) entre les derniers siècles avant notre ère et les premiers siècles de notre ère. Ces textes, qui veulent modéliser le mouvement cyclique de « l’ordre cosmique universel », décrivent surtout, après-coup, le tournant historique particulier dans lequel se trouve l’humanité: la spiritualité de la résistance au changement, qui l’instinct de conservation immémorial dominer, est en train doucement de se faire supplanter par une nouvelle spiritualité centrée sur le devenir, la prise de risque et une conception linéaire du temps où « rien ne sera plus jamais comme avant ».

Le Kali Yuga est le modèle créé par les conservateurs pour discréditer les progressistes, les charger de tous les maux (corruption, mensonge, violence, hubris) pour les rappeler à la loi métaphysique: le changement n’a de sens que s’il se met au service de l’essentiel.

Le pouvoir spirituel conservateur, prônant le détachement du monde et la résistance au changement, comme seule vraie spiritualité, est en train de se faire détrôner par le pouvoir politique progressiste, matérialiste et utilitariste, portant un modèle concurent de développement spirituel, une autre vision de l’Absolu et du rapport à avoir avec lui.

Il faut bien voir bien

Les sages qui ont introduit dans le paysage culturel, la notion de Kali Yoga, étaient foncièrement pessimistes et pensaient que toute l’humanité est vouée à la corruption, au mensonge et au conflit, et que leur époque était déjà bien avancée dans ce processus.

L’Inde védique, comme beaucoup d’autres traditions (gréco-romaines, mésopotamiennes, polynésienne, bibliques), structurent le temps en cycles dégradants: un âge d’or parfait, suivi d’âges de plus en plus imparfaits. L’“âge d’or” n’est pas censé correspondre à une société historiquement attestée, mais à un état mythique, souvent perçu comme pré-humain ou semi-divin, où l’ordre naturel, l’ordre social, moral et spirituel étaient parfaitement alignés.

Cette structure mythique ne découle pas d’une nostalgie de progrès perdu, mais plutôt d’un cadre mental où l’univers fonctionne comme un organisme biologique: il naît, croît, décline et meurt, puis renaît. C’est donc une loi cyclique naturelle.

*

EXPLICATION DE LA NAISSANCE DU CONCEPT DU KALI YUGA

1) Nostalgie de l’enfance

On peut voir dans le Satya Yuga la nostalgie de l’enfance, où la vérité vient des « détenteurs du pouvoir spirituel absolu », les parents, qui établissent dans la famille un « ordre sacré » vécu comme « immuable et éternel » par l’enfant.

L’ »âge de la vérité » n’est peut être en fait rien d’autre que « l’âge de l’immaturité ».

Cela ne veut pas dire que toutes les enfances sont heureuses, mais plutôt que l’imaginaire collectif aime projeter sur le commencement, qu’il soit personnel ou cosmique, un état d’harmonie idéalisé.

Au pouvoir politique et au pouvoir spirituel sont associés deux métaphysiques traduisant deux visions de l’Absolu: un Absolu conservateur éternellement statique dans sa plénitude parfaite et achevée et un Absolu moteur d’un éternel devenir illimité. (On retrouve le couple immémorial tradition versus modernité).

Ce clivage est culturel et psychologique. On le retrouve en chaque être vivant: d’un côté une métaphysique de la préservation radicale (« rien ne doit changer, tout est parfait de base, il faut protéger l’ordre tel qu’il est et te qu’il a toujours été ») et une métaphysique du progrès (« le monde change, il faut participer à ce changement, l’ordre est par essence évolutif »).

*

Selon la cosmogonie hindoue traditionnelle (et traditionaliste) l’univers est cycliquement créé, détruit puis recréé.

Chaque cycle cosmique comprend quatre âges successifs. Chaque âge successif est plus court et moralement plus dégradé que le précédent. On ne parle pas d’un “âge d’or” qui mènerait au progrès, mais d’un âge d’or initial (Satya Yuga) qui se dégrade peu à peu jusqu’au Kali Yuga, l’âge le plus sombre.

1) L’Âge de la vérité (Satya Yuga) est l’âge de l’ordre, de la vertu, de l’harmonie. L’âge d’or n’est pas un âge de découvertes et d’abondance mais un âge conservateur et statique, hors de l’Histoire et hors du Progrès. La vérité(Satya) dont il est question se caractérise par son immobilité radicale. Dans cet Âge mythique, le monde social humain et les espèces n’évoluent pas (et n’ont pas besoin d’évoluer), demeurant fidèles à l’Absolu, lui aussi connu, conçu, perçu, comme parfait et immobile.

2)

3)

4) Le Kali Yuga est le quatrième et dernier âge du cycle cosmique, marqué par l’essor de la politique, des conflits de pouvoir, de la science et de la technologie au détriment de la place dominante du pouvoir spirituel ancien, conçu comme le seul capable de préserver l’ordre hiérarchique naturelle des choses.

Le yoga traditionnel s’inscrit dans une célébration de l’ordre ancien, et de sa « métaphysique de la préservation » (contre la modernité marquée par la « métaphysique du progrès ») ce qui implique chez le pratiquant du yoga une tendance marquée à s’opposer aux caractéristiques du Kali Yuga(domination du politique et de la science).

Notre époque est marqué